à Pied, Alpins et Mécanisés

L’esprit chasseur

11ème Bataillon Alpin de Chasseurs à Pied
en manoeuvre dans les Alpes (1908)

« L’esprit Chasseur » s’est forgé au long de l’Histoire. De nombreux auteurs – chasseurs ou non – en ont traité. Nul ne peut l’ignorer « On ne peut comprendre l’esprit des Chasseurs à Pied si l’on perd de vue leur origine, le but et les raisons de leur organisation, » (Colonel Payard, 1930).

C’est donc dès leur création qu’il faut chercher les premiers signes « Pour atteindre le but de votre institution, il ne suffit pas d’être brave, leste, rusé et bon tireur, il faut avoir à cœur l’honneur du Corps : il faut qu’entre camarades vous soyez réciproquement solidaires de votre bonne conduite en toutes circonstances, instruits à vous soutenir dans les plus pressants dangers. Des sentiments d’amitié naîtront nécessairement entre vous… Il ne suffit pas de faire juste le devoir: chacun apportera le zèle le plus empressé dans tous les détails du service intérieur et extérieur et doit tenir à honneur personnel que ce nouveau Corps mérite d’être distingué et imité. » (Général Hulot s’adressant, le 14 novembre 1838, au       « Bataillon Provisoire de Chasseurs à Pied » lors de son premier rassemblement).

Or, ce « nouveau Corps » a été créé dans un but opérationnel tout à fait précis : « C’est à la fois entrer dans l’esprit de la guerre nouvelle et développer les qualités de la race française que de donner à l’infanterie une organisation qui augmente l’influence de l’action individuelle des hommes sur le résultat général obtenu par la masse… La victoire est à celui qui arrive le plus vite et dont le choc est le plus promptement destructeur. » (Duc d’Orléans, 1840).

La solidarité ou l’esprit d’équipe, le sens de la responsabilité, l’amitié, le goût de l’initiative, aller au-delà du « juste devoir », la rapidité dans l’exécution, voilà déjà les grandes lignes tracées. Pour concrétiser ce dessein, les moyens sont simples : « Le Duc d’Orléans, leur créateur, en a fait des êtres d’exception, recrutés, dressés et vêtus autrement que les autres, pourvus d’une indépendance qui supprimait ce que l’on a appelé la cascade des échelons hiérarchiques et qu’ils ont chanté avec complaisance dans leur refrain guerrier. Ce sont de petites tribus, serrées toutes autour de leur unique Drapeau et chacune autour de son Fanion et de son chef : le commandant… » (Colonel Payard, 1930).

Ce sont ces caractères qui, en 1913, ont frappé Lyautey au Maroc, en constatant l’activité des 7ème et 14ème BCA qui furent mis sous ses ordres pendant deux ans : « L’expérience faite depuis un an dans des conditions exceptionnellement concluantes en raison des rudes campagnes menées dans un pays des plus difficiles aux Beni M’Tir, au Sud de Mogador, au Tadla, contre un adversaire de premier ordre, a fait ressortir avec éclat la valeur et l’instruction de ces unités formées à bonne école, entièrement dans la main de leurs chefs et rompues à la manœuvre. Il s’est donc produit ceci, c’est que, depuis un an, ce sont les deux bataillons de Chasseurs alpins qui, l’un au Nord, l’autre au Sud du Maroc, ont servi d’étalon, d’exemple et de stimulant aux autres troupes blanches et ont acquis très rapidement et ceci est capital – une véritable légende aux yeux des Marocains. » (Général Lyautey, 1913).

Ne s’agit-il cependant que de procédés mineurs, artificiels, comme le disent les « opposants » ? Le résultat en est pourtant certain : « Ah, qu’il connaissait bien les Français celui qui a imaginé, pour créer chez nous une troupe d’élite, de la différencier tout d’abord des autres, fut-ce par des minimes signes extérieurs… Ce qui est vrai pour la tenue l’est aussi par mille détails du service. Que de sarcasmes ont été prodigués à nos camarades de « l’Arme bleue » pour leurs petites manies de singularité ! C’est pourtant à de tels moyens transmis, répétés, codifiés qu’ont été dues ces belles unités universellement admirées… ou enviées. » (Maréchal Franchet d’Esperey, 1930).

Car il y a évidemment des « opposants » : En 1872, en 1887 et à d’autres périodes, l’existence des Chasseurs ou de leurs particularités de tenue et de traditions ont été menacées : « Le phénomène s’explique par l’emprise qu’exerce sur certains esprits les perspectives faciles d’une rigoureuse uniformité par la passion égalitaire du nivellement général. » (Général de Castelnau).

Certes, au long de leur histoire, les Chasseurs ont vu s’estomper ou se généraliser beaucoup de traits caractéristiques qui faisaient leur originalité.

Mais avec leur tenue bleue et tout ce qui la sublime, l’esprit est resté, au point que le prestige de leur nom a incité des Unités de nouvelle formation à l’adopter à leur tour : « Il faut enfin que tous les Corps de nouvelle formation mitrailleurs, chars de combat ne viennent pas se parer du beau titre de « Chasseur » qu’ils ont reçu sans raisons bien valables. » (Maréchal Franchet d’Esperey, 1930).

De nos jours, il reste, comme bases de l’Esprit des Chasseurs, ce qui les rassemble, leur Drapeau, et ce qui les différencie, leur tenue et leurs traditions.

Autrement dit : L’amour-propre et leur image de marque.

Ce sont sans doute là les ressorts essentiels qui font qu’il y a effectivement un « style Chasseur » qui est le refus de la médiocrité, de l’à-peu-près, du laisser-aller ; style de commandement, dans l’accomplissement du devoir journalier, dans la manière de vivre et de se comporter avec les autres.

Ce style si caractéristique n’est que le fruit et le reflet de « l’Esprit Chasseur ». En 1930, sur demande de la Fédération des Anciens Chasseurs à Pied, le maréchal Lyautey, en son château de Thorey en Lorraine, voulut bien leur en donner une définition lapidaire qui correspondait à l’idée qu’il s’en était fait tout au long de sa carrière, et particulièrement lorsqu’il eut sous ses ordres, au Maroc, en 1912, les 7ème et 14ème BCA. Les termes de cette page étincelante, dédiée aux Chasseurs à Pied par cet illustre cavalier, sont, depuis un demi-siècle, connus et cultivés dans nos bataillons où ils ont, pour tous, force de directives.

Lettre du Maréchal Lyautey