LA PETITE HISTOIRE DU MONUMENT DE SIDI-BRAHIM
2) PERISSAC (Gironde), de 1962 à nos jours, par le colonel d’Artillerie Péninou, secrétaire général du comité d’érection du monument.
Au Congrès National de la FNAC qui s’est déroulé au château de Vincennes les 13,14,15,16 et 17 mai 1967 le colonel Tourniaire, ancien président de la Sidi-Brahim d’Algérie, m’avait dit au milieu d’un groupe de chasseurs militants qui l’approuvaient : « Nous devrions écrire tous les deux la petite histoire des monuments de Sidi-Brahim, j’écrirais celle avant 1962, tu écrirais celle depuis 1962 ».
J’étais persuadé que cette proposition faite dans l’euphorie d’un Congrès National resterait lettre morte, mais le colonel Tourniaire sait ce qu’il veut et ce qu’il veut, il le veut bien, aussi, je n’ai été qu’à demi étonné lorsque j’ai reçu de lui la première partie de L’Histoire du monument. Il ne me reste plus qu’à écrire la deuxième partie.
Il est exact en effet que « nous » avons érigé à Périssac la réplique du monument qui s’élevait autrefois sur la place Foch à Oran. C’est avec intention que j’écris « nous » car élever dans une petite commune de France un Monument National, aussi imposant par sa masse, aussi pur dans ses lignes et qui représente tant d’héroïsme, ne peut être l’œuvre d’un seul, mais d’une équipe bien soudée. Elle est composée d’officiers (E.R ou O.R), tous membres de l’Ordre de la Légion d’honneur et comprenant d’abord notre président, monsieur Adrien Baron Maire de Périssac, le grand Président Pierre Borie, de la Sidi-Brahim de Bordeaux et du sud-ouest secondé par son président d’honneur, l’intendant Pellegrin et des membres de son bureau, Faure et Grasso.
Pour être complet, nous devons mentionner le concours précieux que nous ont apporté nos épouses et aussi celui du dynamique et éloquent abbé Labat, président du Souvenir Français de Gironde. Avec une telle équipe tout était possible et d’ailleurs personne n’a paru étonné de notre réussite.
Mais la première question que beaucoup se sont posée c’est :
Pourquoi Périssac ? Où est Périssac ?
Pourquoi Périssac ? Parce que c’est dans cette commune de la Gironde que le 8 juillet 1812 est né le jeune Louis François Oscar de Géreaux qui s’illustra aux combats de Sidi-Brahim les 23 et 24 septembre 1845. Parce que cette commune a de tous temps honoré la mémoire du plus glorieux de ses enfants, en particulier en plaçant une plaque de marbre sur sa maison natale et en donnant à deux de ses rues les noms de « Avenue de Sidi-Brahim » et « Avenue Oscar de Géreaux ».
Mais où est Périssac ? Périssac est situé au nord de Bordeaux et dans sa grande banlieue. De Bordeaux partent vers le nord deux routes nationales, l’une en direction de Libourne, l’autre en direction de Cavignac et Paris. C’est dans la fourche qu’elles forment et au croisement de deux routes départementales que se situe Périssac. C’est une commune comme il y en a des milliers en France. Placée sur une hauteur, elle est située au milieu des vignobles du Fronsadais. Son église et son clocher construits au siècle dernier par un enfant de la commune, l’architecte Léo Courau, contemporain d’Oscar de Géreaux, se voient des coteaux de Saint Emilion, comme Dutertre de Fronsac.

Périssac s’enorgueillit aussi d’écoles neuves, d’une cave coopérative viticole, d’un foyer communal et d’un abattoir industriel. Tout autour de l’église et l’entourant comme un joyau, de belles maisons de maître situées dans de grands parcs d’agrément et portant les noms de Pré au bois, Le Buisson, Morange, Andriet, Belvédère. C’est au château Belvédère qu’est né Oscar de Géreaux.
Lorsque l’on feuillette les cahiers des actes de l’Etat Civil, de la commune, on relève sous la signature du Vicomte Pierre de Géreaux, maire de la commune, et père d’Oscar, l’acte de naissance :
Aujourd’hui 24 juillet 1812 nous, maire de la commune de Périssac faisant fonction d’officier d’Etat Civil de la commune, déclarons que Dame Larkin Yrving mon épouse est accouchée le huit du présent mois de juillet d’un enfant du sexe masculin auquel nous avons donné le nom de Louis-François-Oscar.
Cette déclaration aussi faite en présence de monsieur Jean-Baptiste Lalanne Juge de paix du canton de Fronsac et Monsieur Pierre Janneau adjoint municipal de Périssac qui ont signé avec nous après que lecture en ait été faite.
Ont signé Lalanne – Jeanneau – de Géreaux maire.
Il est bon de donner ici sur cet illustre fils de Périssac quelques renseignements sur sa vie tirés du nécrologue universel du XIX eme siècle.
1812
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Naissance. A 6 ans apprend à lire, écrire et compter à Bordeaux. A 7 ans, au collège de Libourne puis de Pont Levoy. |
1821 | A 9 ans, élève à l’Ecole Militaire Préparatoire de la Flèche. |
1829 | Elève à Saint-Cyr, brillant élève. |
1831
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29/09 promu sous–lieutenant de Grenadiers au 8ème de ligne. Campagne de Belgique puis en garnison à Lille, St-Omer, Boulogne, Laon, Saint Denis, Paris. Etudie l’art de la fortification. Mis à la tête de l’Ecole Régimentaire à Sarrebourg et Bitche. |
1836 | Promu lieutenant à Grenoble, encadre le bataillon expérimental de tirailleurs. |
1839 | Promu capitaine. |
Notes du colonel pour sa nomination au 8ème bataillon provisoire de Chasseurs, créé par décision royale du 14 novembre 1838 : « Robuste, agréable, avantageux, conduite exemplaire, principes bons, tenue belle. Enclin à la fantaisie. Instruction générale distinguée, sait l’anglais et l’allemand. Instructions pratiques et théoriques bonnes. Sujet distingué qui doit faire son chemin. Chargé des écoles depuis un an, s’en acquitte avec succès. A besoin d’être maintenu dans la subordination, mérite de l’avancement. Notes du général Foucher : « Très capable, très distingué, zélé, laborieux, connaît bien son métier, commande bien, dirige avec distinction les écoles du régiment, mérite de l’avancement ». Affecté à Vincennes pour la formation de 9 autres bataillons de Chasseurs sous l’égide du Duc d’Aumale. |
1841 |
01/05 : revue de départ des bataillons, part à Mostaganem avec le 8ème bataillon. |
6 et 7 juillet
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Escarmouche à Sévik-Mitou, sur les bords du Chélif. Le capitaine De Géreaux porte les derniers coups aux Arabes par une brillante attaque offensive. |
1843 |
30/07 : proposé pour chevalier de la Légion d’Honneur par le général inspecteur général De Lamoricière. |
1844 |
Fait une reconnaissance sur la frontière du Maroc et repousse les Marocains à Sidi-Asy le 30 juillet. |
1845 |
22/09 trouve la mort dans les combats de Sidi-Brahim, décrits en détail dans le livre du général Azan. |
Peu après la mort du capitaine De Géreaux, son père quitte la propriété du Belvédère pour aller s’installer à saint Radégonde. Dès 1848, il a l’idée de faire ériger une statue à la mémoire de son fils et il pense que l’endroit qui s’y prête le mieux est le cimetière de Périssac. Il écrit dans ce sens à Monsieur le Docteur Porte qui le remplace comme maire. La question est examinée et discutée au conseil municipal. Celui–ci y répond par un refus pur et simple.
C’est un demi siècle plus tard, vers 1900, que l’idée est reprise d’ériger un monument à Oscar de Géreaux. Un comité se constitue à Libourne et peu après il fait élever une statue en bronze qui est placée à l’extrémité des allées de Tourny, non loin du quartier du 15ème Dragons.
C’est à la même époque qu’est érigée sur la place d’Armes à Oran le monument à la gloire des héros de Sidi-Brahim. Le colonel Tourniaire nous raconte en détails dans la 1ère partie les circonstances dans lesquelles se sont déroulées la conception et le cérémonial de l’inauguration qui eut lieu le 26 décembre 1898.
Nous devons faire ici remarquer que la statue de De Géreaux à Libourne comme le monument d’Oran, étaient tous deux appelés à être détruits du fait de l’ennemi.
C’est d’abord celui de Libourne qui pendant les années d’occupation 1940-44, est déboulonné par les Allemands et, comme il est en bronze, sera fondu pour les besoins de leur industrie de guerre.
Celui d’Oran était également voué à la destruction après l’Indépendance de l’Algérie en 1962.
Mais dans les deux cas, il s’est trouvé de bons Français qui ont senti ou pressenti l’outrage et ont voulu que soient à nouveau érigés sur le sol de France ces deux monuments élevés par nos pères à la gloire d’héroïques Français.
Ce fut d’abord la statue de De Géreaux à Libourne. Un comité présidé par Pierre Borie, président de la Sidi-Brahim de Bordeaux et du Sud-Ouest se constitue et, dès 1951, une statue en pierre s’élevait sur le même socle où se trouvait auparavant la statue de bronze.
L’inauguration donna lieu à d’imposantes cérémonies patriotiques au cours desquelles se pressaient autour du comité d’érection, les dirigeants de la Fédération nationale, les autorités civiles et militaires et les anciens chasseurs de nombreuses amicales.
Mais le souvenir du capitaine De Géreaux était toujours honoré dans sa commune natale.
En 1936, après entente entre la municipalité de Périssac et la FNAC présidée par le général Latrade, une plaque de marbre fut apposée sur sa maison natale. Elle porte l’inscription :
A cette cérémonie qui se déroulait le 21 juin 1936, étaient déjà présents Messieurs Adrien Baron directeur d’école et secrétaire de mairie et le colonel Péninou qui représentait le général commandant le 18ème corps d’armée.
La commune profitait aussi de toutes les circonstances pour honorer le plus glorieux de ses fils. Nous avons déjà vu que deux de ses rues portaient les noms d’avenues du capitaine Oscar De Géreaux et l’avenue de Sidi-Brahim. Ces avenues furent inaugurées le 3 juin 1962, cent cinquantième anniversaire de la naissance du capitaine, en présence de monsieur Bussières, sous-préfet de Libourne et natif d’Oran.
C’est aussi ce jour là que Monsieur Baron, devenu maire de Périssac, annonçait solennellement que tout serait mis en œuvre pour ériger sur le sol de la commune un monument à la gloire des héros de Sidi-Brahim.
Depuis quelques mois en effet, Monsieur Baron maire et le colonel Péninou, président d’honneur des amicales de Chasseurs, avaient engagé une correspondance avec le Premier Ministre, le ministère des armées et le Délégué général en Algérie, afin d’obtenir les trophées de bronze du monument d’Oran.
C’est le 3 janvier 1963 que le premier résultat fut acquis. Monsieur le ministre de l’intérieur nous apprenait que la grande plaque de bronze portant l’inscription :
Aux héros de Sidi- Brahim
1845
allait être acheminée de Mers el Kébir à Bassens-Bordeaux et de là, à Périssac par les soins du génie militaire. Elle y arriva le 30 avril 1963. Placée sur la scène du foyer communal, elle fut présentée au public le 8 mai 1963, à l’issue de la cérémonie traditionnelle de l’Armistice de 1945.
En présence d’une très nombreuse assistance qui comptait beaucoup de rapatriés d’Algérie et après les sonneries règlementaires, le colonel Péninou la dévoila et au nom de l’autorité militaire, la remit à Monsieur Baron, maire de Périssac. Cette belle œuvre du sculpteur Dalou apparut dans toute sa beauté.
Monsieur Baron remercia et nombreux furent les rapatriés d’Algérie qui laissèrent libre cours à leur intense émotion.
Les deux promoteurs, qui eurent l’idée d’ériger un Monument National de Sidi-Brahim passèrent aussitôt à l’action. Ils constituèrent :
Un Comité d’honneur dont voulurent bien faire partie :
Messieurs Messmer – Ministre des armées.
Chaban-Delmas – Président de l’assemblée Nationale.
Le ministre des Anciens combattants.
Delaunay – Préfet d’Aquitaine.
Brun – sénateur et président du Conseil général.
Guebel – président de la FNAC
Et un bureau actif comprenant :
Messieurs Baron – maire de Périssac.
Le colonel Péninou – secrétaire général.
Borie – président régional de la Sidi-Brahim.
Avec comme membres :
Messieurs Faure et Grasso – anciens chasseurs
L’abbé Labat – président du Souvenir Français.
Le colonel Tourniaire – président de la Sidi-Brahim d’Algérie
Le journal Sud-Ouest de Bordeaux accorda son patronage.
Des statuts furent élaborés avec déclaration à la préfecture de la Gironde avec mention au Journal officiel du 9 janvier 1964.
Il fallait maintenant œuvrer pour la conception et l’exécution du monument que l’on voulait ériger à Périssac. Celui-ci se voulait la réplique du monument qui s’élevait avant 1962 sur la place Foch à Oran, mais le monument d’Oran était constitué par un obélisque en marbre rose et comportait au sommet un « génie » de bronze tenant à la main une palme. Sur le socle, une statue de femme agenouillée symbolisant la France écrivant sur la stèle la phrase célèbre :
Au dessous de cette femme agenouillée, une plaque ouvragée portant l’inscription :
Le colonel Kugler, président de la FNAC, avait dès 1961 fait paraître une très belle photo de ce monument sur le Cor de Chasse et le comité d’érection qui venait de se constituer avec siège social à la mairie de Périssac, ne disposait encore que de la plaque de bronze. Il entreprit de nouvelles démarches auprès du ministre des armées et du secrétariat d’Etat chargé des affaires algériennes. Le colonel Péninou, fort bien reçu par le colonel Lescan du cabinet du ministre, assura le comité de l’appui total des autorités gouvernementales. En effet quelques temps après le colonel Beylot, vice-président de la FNAC, nous assurait que l’on avait retrouvé la statue symbolisant la France. Par un convoi exceptionnel escorté par les motards de la gendarmerie, une énorme caisse contenant cette pièce de sculpture arrivait à Périssac le 27 septembre 1963.
Le général commandant la 4ème région militaire prescrivait une prise d’armes à Périssac pour le dimanche 29 septembre, au cours de laquelle, le colonel Sobra commandant par intérim la subdivision de la Gironde, allait remettre la statue au comité. Cette prise d’armes comportant revue et défilé eut lieu dans la prairie de madame De Ligny où les trophées avaient été déposés et en présence des nombreux drapeaux, des autorités civiles et militaires, et de l’Amicale des chasseurs de Bordeaux et du Sud-ouest.
En possession des pièces essentielles du monument, le comité se fait ouvrir un CCP, le N° 3251.48, indispensable pour collecter les dons et subventions et régler les dépenses ultérieures. Les premiers dons furent ceux de la municipalité de Périssac, des membres du comité actif et du Souvenir Français.
Puis le comité chercha un emplacement favorable. Il convenait de voir grand en raison des proportions importantes des bronzes reçus.
A la demande de Monsieur le maire Baron, Monsieur Armand Landrit, conseiller municipal et président des A.C de la commune, fit don au comité d’érection d’une parcelle de terrain qui fait l’angle des deux routes départementales 10 et 10e. D’une superficie de 360m², cet emplacement jouissait d’une vue exceptionnelle, dégagée en toutes directions, face à un panorama très étendu, d’un accès des plus faciles sur une route touristique, et convenait parfaitement au but poursuivi.
Il restait encore à traiter deux points importants, le choix d’un architecte et d’un entrepreneur spécialisé et le financement de la construction.
Le comité fit un appel d’offres auprès des architectes et entrepreneurs anciens chasseurs. Il reçut 8 projets qui furent soumis à une commission artistique comprenant en particulier Monsieur Féret, directeur de l’Ecole régionale d’architecture et de Monsieur Lardin, directeur de l’Ecole des beaux arts de Bordeaux. Sur la proposition de cette commission, le comité adopta à l’unanimité le projet de Monsieur François Courrech qui, par ses proportions imposantes, s’harmonisait avec le paysage et faisait ressortir les dimensions des bronzes reçus.
Quant au financement l’ouverture d’une souscription publique ayant été refusée, le secrétaire général fut chargé d’organiser la propagande et d’entreprendre des démarches auprès des organismes et des autorités qui seraient désireuses de nous aider.
Il n’est pas possible de citer tous les donateurs qui répondirent à l’appel qui leur fut adressé. Notons seulement ceux qui envoyèrent plus de 500 francs parmi lesquels nous relevons outre les trois premiers souscripteurs (Municipalité de Périssac, Membres du Comité actif, Souvenir Français) déjà nommés, la ville de Bordeaux 750 francs, la Caisse d’épargne de Bordeaux 1000 francs, la Sidi-Brahim de Bordeaux et du Sud-Ouest 500 francs, le Conseil général de la Gironde 2500 francs, celui des Bouches du Rhône 1000 francs, le comité national des monuments de guerre 2000 francs, le ministère des A.C.V.G 1000 francs, et plus tard celle du ministre des armées 1000 francs, la presque totalité des municipalités du canton de Fronsac et de très nombreuses de l’arrondissement de Libourne, beaucoup d’amicales de Sidi-Brahim, de Diables bleus, etc…donnèrent chacune suivant leurs possibilités et selon l’adage « les petits ruisseaux font les grandes rivières », 40.000 francs furent réunis.
L’exécution des travaux fut confiée à Monsieur Arnaud entrepreneur à Galgon.
Les règles fixées pour la réalisation d’un monument sont très strictes. Tout projet doit être soumis au comité des monuments de guerre qui dépend du ministre des A.C et V.G. Il est également examiné pour approbation par le Comité des monuments de France. Tout est soigneusement examiné : architecture, sculptures, inscriptions, construction, moyens financiers, etc…Le projet est soumis au ministre de l’intérieur et en définitive, fait l’objet d’un décret pris en conseil des ministres.
Mais l’arrivée des dons se ralentissant sensiblement et le montant des travaux ayant été définitivement établi, il apparu que le financement ne pourrait être établi qu’avec le concours des pouvoirs publics. Une commission comprenant Monsieur Baron, président, le colonel Péninou et le président Borie, se rendit alors auprès de Monsieur Chaban-Delmas, maire de Bordeaux et de Monsieur Boulin, maire de Libourne et secrétaire d’Etat au budget. Ils trouvèrent auprès de ces deux hautes autorités une compréhension totale et la promesse d’une subvention exceptionnelle de 25.000 francs qui serait versée par le ministère des A.C et V.G. Il faut dire que Monsieur Chaban-Delmas est membre de notre comité d’honneur et qu’il est caporal d’honneur du 28ème BCA, et que Monsieur Boulin présidant chaque année les réunions organisées par la Sidi-Brahim de Bordeaux et du Sud-Ouest, s’honore d’avoir dans sa ville la statue du capitaine Oscar De Géreaux.
Dès l’octroi de cette subvention, toutes les conditions étaient réunies et le comité décida de la mise en chantier du monument qui serait marquée par la pose symbolique de la première pierre.
Le président et le secrétaire général furent chargés de préparer cette manifestation qui devait revêtir une certaine solennité afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics, de tous les chasseurs de la région, et de toute la population sur la valeur patriotique et l’importance d’une telle œuvre.
La pose de la première pierre eut lieu le 26 septembre 1965 qui coïncidait avec le 120ème anniversaire de la mort du capitaine De Géreaux. Elle fut faite par le général Gautier commandant la subdivision de la Gironde. La musique de la 4ème région militaire prétait son concours et un détachement militaire rendait les honneurs.
Cette cérémonie eut encore plus d’ampleur que celles qui l’avaient précédée et pour la première fois, l’emplacement choisi fut le lieu d’une manifestation des plus émouvantes.
Toutes les autorités locales répondirent à l’appel du comité. Après l’office religieux le cortège se forma devant la mairie où se trouvaient avec un détachement du 31ème régiment de génie de Libourne, les fanions d’associations de Sidi-Brahim et les drapeaux de nombreuses associations d’A.C entraînées par la musique de la 4ème RM. Le long cortège se mit en marche vers l’emplacement du futur monument et se plaça pour attendre le général Gautier dont la musique militaire salua l’arrivée. Le général salua les couleurs et passa la revue du détachement en armes. Ensuite monsieur Baron prononça un bref discours pour souhaiter la bienvenue au général et donner les sens de la cérémonie qui se déroulait.
Le général scella la première pierre du monument national de Sidi-Brahim dans laquelle furent placés un rouleau de parchemin portant la relation de la cérémonie, une petite reproduction en plâtre du Marabout de Sidi-Brahim et un sachet de terre de Sidi-Brahim envoyé par le colonel Tourniaire ex président des Anciens chasseurs d’Algérie.
Nous reproduisons ci-dessous l’attestation signée du président Tourniaire.
Oran le 30 septembre 1955
Attestation
Le colonel en retraite H. Tourniaire (ex 30ème et 70ème BCA) certifie que la terre contenue dans ce sachet a été recueillie par lui-même au Marabout de Sidi-Brahim le 25 septembre 1955, au cours des cérémonies de la commémoration du 110ème anniversaire du combat.
Etaient présents : Le drapeau des Chasseurs et sa garde du 1er BCP
Le 5ème groupe de chasseurs
Le 31ème groupe de chasseurs
La Sidi-Brahim d’Algérie.
Cérémonie présidée par le général Viderspach-Thor, commandant la division d’Oran.
Le président
H.Tourniaire
Après le scellement de la pierre, la musique exécuta la Marseillaise et la Sidi-Brahim, pendant que la troupe présentait les armes. Le cortège alla déposer une gerbe au pied de la plaque apposée sur la maison natale du capitaine De Géreaux, puis se rendit au monument aux morts de la commune où une gerbe fut déposée, et la dislocation eut lieu devant la mairie.
Vin d’honneur et banquet clôturèrent cette imposante cérémonie que la presse régionale relata dans de grandes colonnes ornées de superbes photographies.
A partir de cette date, le feu vert fut donné à Monsieur Courrech architecte et Monsieur Arnaud, entrepreneur, pour la construction du monument que le comité voulait inaugurer dans le courant de l’année 1966. Les travaux furent aussitôt entrepris et poursuivis avec continuité. Ils furent terminés au jour fixé, le 10 juillet 1966. Messieurs Courrech et Arnaud ont droit à toute la reconnaissance du comité.
Le lendemain de la pose de la première pierre, la FNAC recevait solennellement au château de Vincennes la glorieuse relique ramenée d’Algérie.
Le Tombeau des Braves
Il contient les ossements des héros de Sidi-Brahim. Grâce à monsieur Messmer, ministre des armées, deux locaux furent aménagés dans le château, l’un en sanctuaire renfermant le tombeau, l’autre en salle d’honneur contenant les reliques et souvenirs chasseurs. Monsieur le ministre des armées avait tenu à présider cette belle cérémonie, en présence des fanions, fanfares et bataillons chasseurs.
Le comité d’érection du monument de Sidi-Brahim était représenté par monsieur Baron président, le colonel Péninou et le président Borie.
Les anciens chasseurs ont pu se rendre compte lors du Congrès national de Vincennes en 1967, que c’était une parfaite réussite et on est en droit de penser que le musée des Chasseurs prendra bientôt l’importance qui convient à une arme d’élite.
10 juillet 1966 – L’inauguration du monument
Les cérémonies devaient se dérouler sous la présidence du ministre des A.C et V.G, mais empêché au dernier moment, celui-ci s’excusa et le ministre des armées désigna le général Boulanger pour le représenter. Celui-ci, à la sortie de Saint-Cyr avait, comme le lieutenant De Géreaux été affecté au 8ème bataillon de chasseurs et comme lui, combattu en Algérie.
Les cérémonies débutèrent par une messe célébrée par le père Louis Coureau, enfant de Périssac. L’homélie fut prononcée par monsieur l’abbé Labat, président du Souvenir Français.
Durant toute la journée, l’assistance fut évaluée par la presse régionale à 4 à 5000 personnes et jamais de mémoire d’homme, on avait vu dans la région une si nombreuse affluence.
Après la messe, Monsieur Baron et son conseil municipal reçurent les autorités civiles et militaires parmi lesquelles on remarquait les généraux Siffre, Gautier, Ragot, Legour, monsieur Noêl Pinot, président adjoint de la FNAC, de nombreux parlementaires parmi lesquels Messieurs Deliaune, député de la circonscription et Boyer-Andrivel député de Libourne, de très nombreux conseillers généraux et maires du département. Il y avait aussi une centaine de drapeaux de l’amicale des porte-drapeaux de la 4ème RM conduits par son président laborde.
Derrière la musique de la 3ème région aérienne et des détachements en armes de l’armée de terre et de l’armée de l’air, le cortège se mit en marche pour rejoindre le monument qui était recouvert d’un immense drapeau tricolore et dont les abords avaient été parfaitement décorés par les anciens chasseurs Faure et Lavielle.
L’emplacement se prêtait très bien aux grandes manifestations ; la musique et les détachements se placèrent à droite sur un emplacement surélevé avec devant eux les enfants des écoles. Autour du monument, les drapeaux. A gauche, les autorités et les invités, devant le monument, le comité d’érection et le président adjoint de la FNAC. L’immense foule se pressait et s’entassait sur les routes, dans les champs et les vignes.
Le général Boulanger représentant Monsieur le ministre passa les troupes en revue, commanda l’envoi des couleurs et dans un silence recueilli, dévoila le monument.
Monsieur Baron prononça ensuite l’allocution suivante :
« Aujourd’hui dimanche 10 juillet 1966, le comité d’érection du Monument national de Sidi-Brahim arrive au terme de ses efforts.
La commune de Périssac, terre natale du capitaine Oscar De Géreaux, le chef des glorieux Chasseurs de Sidi-Brahim, se devait de perpétuer leur souvenir et de prendre la relève de ceux qui jadis, avaient élevé le monument d’Oran à leur mémoire.
En ce jour, la commune de Périssac a conscience d’avoir accompli cette mission. Ce monument s’élève fièrement dans le cadre merveilleux de cette belle campagne girondine qui s’ouvre si largement à nos yeux. Dressé sur le sol de Périssac, sur cette terre de France qui ne ment jamais, il marquera désormais le haut lieu des Chasseurs de France.
Monsieur le Président de la Fédération Nationale des Anciens Chasseurs,
– au nom du Comité d’Erection,
– au nom de la commune de Périssac,
– je vous remets le Monument National de Sidi-Brahim ».
Monsieur Noël Pinot remercie le président Baron en ces termes :
« Mon général, Monsieur le Maire, Monsieur le président régional de la FNAC, Mon colonel, Mesdames, Messieurs,
J’ai l’impression de vivre ici, parmi vous, l’un des hauts instants de ma vie, un de ces instants dont le souvenir vous marque profondément tant ils sont chargés de grandeur et de signification, tant ils mettent en relief de valeurs précieuses, spirituelles, morales, humaines ou nationales.
En faisant à la FNAC le don symbolique de ce monument, vous venez, Monsieur le président, d’accepter un affectueux indivis, car aux côtés de la population de Périssac, tous les Chasseurs de France, ceux de nos treize bataillons d’active, Alpins ou portés, ceux de nos cent quatre vingt douze amicales réparties entre toutes nos provinces, ceux de quatre générations du feu, des vétérans de 14-18 à leurs petits-fils qui combattirent en Indochine, en Algérie, tous ces Chasseurs de France, de tous les âges, de toutes régions, prennent désormais la garde de ce monument. Ils rendent ainsi hommage à l’un de leurs chefs les plus prestigieux, Oscar De Géreaux, qui en 1845, avec ces quatre vingt deux derniers Chasseurs du 8ème Bataillon, inscrivit glorieusement Sidi-Brahim dans l’histoire.
Ce chef, ce héros modeste sut réunir les derniers survivants d’un bivouac encerclé par l’ennemi, les regrouper à l’intérieur d’un marabout isolé, au prix de prodiges de bravoure. La cuisse percée par une balle, il sut organiser avec cette promptitude et cette foi rayonnante qui sont l’apanage d’un grand chef, une défense farouche et héroïque.
A cette poignée de chasseurs engagée dans la voie du sacrifice, il fallait un drapeau. Oscar De Géreaux en fit surgir un, confectionné d’une cravate bleue, d’un mouchoir blanc et d’une ceinture rouge. Puis aux sommations répétées de l’ennemi qui exigeait qu’on se rende, il répondit par le mépris et le refus.
Son cri, son dernier cri, sonne depuis comme un mot d’ordre, celui auquel obéirent les Chasseurs du cimetière de Saint-Privat en 1870, ceux du bois des Caures autour du Colonel Driant en 1916, ceux de notre 10ème bataillon en Indochine, ceux de nos 19 Bataillons de Chasseurs engagés dans les Aurès.
Messieurs, il appartient à la FNAC de se souvenir et d’exprimer sa gratitude à l’égard d’Oscar De Géreaux. Elle restera toujours pleinement consciente de la valeur de cet engagement pris au pied de ce monument. Elle sait gré au réalisateur de cette œuvre, Monsieur François Courrech, qu’elle félicite chaleureusement de l’avoir voulue à la fois sobre et audacieuse.
Sobre comme fut le sens du devoir de nos héros de Sidi-Brahim,
Audacieuse comme le fut leur sacrifice.
Ainsi votre village bordelais, qui vit naître et forma ce héros légendaire, restera aux côtés des noms prestigieux inscrits sur notre unique Drapeau, aux côtés d’autres noms qui résonnent dans votre cœur : Vincennes, Saint-Privat, Le Linge, Notre Dame de Lorette, Saint-Blaise, le bois des Caures, Grivesnes, Blarégnies, Les Glières, Le Vercors, Pinon et Doudeville, l’un des hauts lieux de l’Histoire glorieuse de la France ».
Puis monsieur Borie vice-président de la FNAC remit la médaille d’argent de la Fédération au colonel Péninou qui remercia chaleureusement.
Le cortège se rendit dans le même ordre à la maison natale d’Oscar De Géreaux, occupée aujourd’hui par la famille Cavignac, et une gerbe fut déposée au pied de la plaque de marbre.
La même cérémonie se déroulait ensuite au monument aux Morts de la commune de Périssac.
La dislocation du cortège précéda le vin d’honneur qui fut servi en divers points de la commune : mairie, foyer communal, cave coopérative, abattoir industriel et même chez le président.
Cette journée se termina par un grand bal populaire offert à toute la jeunesse et animé par le jazz réputé de la 3ème région aérienne.
Ci-joint les inscriptions qui se trouvent sur les plaques de marbre situées dans le gazon au pied du monument et qui se trouvaient dans le ravin de Sidi-Brahim :

A la mémoire des soldats de la compagnie de carabiniers du 8ème Bataillon de Chasseurs d’Orléans
et de leurs officiers
MM de Géreaux Capitaine – Chapdelaine Lieutenant – Rogazetti Chirurgien Major
Massacrés dans ce ravin par les Arabes des environs
Le 26 septembre 1845